De Terre et de Chair, Valérie Rossignol
Préface de Belinda Cannone, Extraits
« Voici un livre qui, faisant de nous ce lecteur pensif cher à Victor Hugo, nous incite souvent à lever la tête au fil des pages et à réfléchir à notre rapport au corps de
l’autre en général, et à celui des femmes avec le corps des hommes en particulier. Écrit par une femme, il interroge le féminin à l’œuvre. »
« Je n’avais jamais entendu évoquer, ou jamais si bien, ce qui se joue entre l’artiste et son modèle dans l’atelier du sculpteur. Non pas entre un créateur et une silhouette, mais
entre deux corps-esprits. »
« Ainsi se confirme – c’est vrai de toutes les expériences capitales de l’existence – la possibilité d’une absolue réversibilité : à la faveur de l’échange amoureux, c’est la
narratrice qui est atteinte au plus profond et transformée par le regard et la caresse, elle qui devient la « terre » modelée, exprimée par la main et l’œil aimants. Et n’est-ce pas ce qu’on
attend et espère de la modification des rapports homme-femme aujourd’hui – non pas défiance, essentialisation, contrat, séparation, mais, par la fusion dans le désir mutuel, une parfaite
réciprocité, une entière réversibilité des rôles. »
« J’aime d’ailleurs que cette parole féminine soit capable de dire la beauté, si souvent négligée, du corps masculin – la beauté n’est pas réservée au seul corps féminin, le
regard de la femme peut s’attarder et jouir des détails, car le corps de l’homme est lui aussi charnellement désirable dans sa matérialité subtile. Mais c’est justement là ce qui, dans ce livre,
voulait être décrit au plus près : « la terre change mon regard sur les hommes ». »
« Double expérience donc, de terre et de chair, chacune liée au plus intime car elles sont, toutes deux, et peut-être avant tout, expérience de la pudeur et de la grandeur «
qu’induit toute mise à nu. Approcher, sans crainte, ce qui fait la vulnérabilité et la fragilité de tout humain. La beauté est là ». Toute l’humanité est là, qui vient de ce que nous nous
savons faibles et souhaitons protéger cette faiblesse. Le déferlement d’énergie et de puissance, mais aussi la somme des désespoirs et des désarrois qui accompagnent le modelage comme ils
escortent l’amour, doivent être entendus et accueillis, « sans penser aux conséquences ». Oui, la beauté est là. »